Styx — Film

2013 



STYX, est vu comme une représentation du néant. Image composé de 29 secondes images qui est elle-même répétées à l'infini sous forme de gif. Cette bouche béante en forme d'œil, absorbe à l'infini cette rivière sombre et dense. Cette vague d'images sans fin dérangeante et hypnotique nous guide dans l'inconnu certes entre le rêve et la réalité.

STYX, is seen as representation of the nothingness. Image of second 29 images repeated infinitely as a gif. This gaping mouth in the shape of eye, absorbs infinitely this dark and dense river. This disturbing and hypnotic endless wave of images guides us in certainly unknown between the dream and the reality.

⌈…⌋
Nous sommes ensevelis sous des amas grossiers de calcaire, d’asphalte et de glaise. C’est notre fatale destinée. Nous disparaissons sous la Terre après l’avoir foulée. Nous l’avons habitée, avons exposé nos corps à des désirs démesurés, parfois ou trop souvent incontrôlables, dépassés par des forces plus grandes et terribles que nos propres visions. Nous avons pensé affronter nos environnements, dompter notre entourage, soumettre nos congénères à nos passions. Mais la vigueur étincelante qui nous agite vient d’un tout autre monde. Énigmatiquement impénétrable, il doit devenir à notre mort, un refuge neuf.

Nos existences semblent se dissoudre dans les artères infernales de la croûte terrestre. Les roches, avec la lenteur des siècles s’ouvrent et se referment dévorant nos restes. Mortels, en d’autres matrices, nouvelles et régénérées, nous renaissons. Nous revenons à l’origine de l’énergie de notre monde, happés par le magma tonifiant. Les grondements éraillés de Vulcain nous entraînent dans les labyrinthes de l’outre-monde où comme l’imaginait l’Empereur Hadrien2, l’âme pâle et flottante, a froid. Elle tremble comme ces flammes de bougies secouées par une brise tiède. Elle frémit de sa solitude. En ces sombres terres fertiles et rocailleuses, elle se fait un chemin jusqu’aux entrailles. Elle revient, en remontant le Styx(3) et les années de son exil atmosphérique, aux origines d’elle-même. Elle se confond alors avec sa matrice première, ces quelques larmes de lave en fusion qui devaient un jour faire jaillir à l’aube de l’humanité, des familles entières, livrées à la nudité et à l’injustice. C’est l’opéra qui se joue devant nos yeux.

(1) Mario PRAZ, La Chair, la mort et le diable dans la littérature du XIXème siècle. Le Romantisme noir, Denoël, 1977 (Gallimard, Tel, 1998)

(2) ‘Anima vagula blandula,
Hospes comesque corporis,
Qua nunc abibis in loca,
Pallidula, rigida, nudula, Nec, ut soles, dabis iocos.’

‘Petite âme, errante, caressante,
Hôtesse et compagne du corps,
Qui maintenant disparais dans des lieux, Livides, dénudés, figés,
Tu ne pourras plus, selon ton habitude, T’abandonner à tes jeux.’

(3) Séparant les Enfers du monde terrestre, le Styx est avec le Phlégéthon, l’Archéron, le Cocyte, le Léthé, un des fleuves infernaux. C’est sur la barque de Charon qu’on le traverse, bien que cer- taines traditions associent Charon à l’Archéron et Phlégyas au Phlégéthon.

Théo-Mario Coppola, texte de l’exposition Romantisme noir, Le crépuscule des images


Styx, 2013, film super 8 gonflé en 16mm, mu













































 Yasmina Benabderrahmane © Adagp, Paris, 2024